On sait déjà que l’intensité d’une douleur physique dépend d’un nombre important de facteurs: type de pathologie à l’origine de la douleur, susceptibilité génétique aux maux physiques, construction du souvenir de cette douleur… Mais, quelles sont les relations entre la douleur physique et la douleur psychologique ?
Un chevauchement entre douleur physique et douleur morale
Tout commence par l’observation de patients ayant une mutation génétique rare leur empêchant de ressentir physiquement la douleur. C’est l’analgésie congénitale.
À savoir ! Dans l’analgésie congénitale, le message douloureux n’est pas perçu par le cerveau. Ce dysfonctionnement peut provenir des récepteurs de la douleur (récepteur nociceptif), des fibres nerveuses ou de la région du cerveau qui décode le message douloureux. Les patients sont très vulnérables : ils peuvent se brûler, se mordre la langue ou se fracturer un membre sans même s’en rendre compte. Les chocs répétés peuvent déformer les articulations et entraîner des plaies. Aujourd’hui, cette maladie ne se guérit pas et passe par un accompagnement avec un ergothérapeute pour se protéger des chocs et blessures.
Jo Cameron, une américaine de 71 ans qui s’est confiée aux journalistes du New York Times, a rapporté que sa maladie la rendant insensible à la douleur a provoqué chez elle un accouchement comparable à un « chatouillement » ! Derrière cette légèreté, se cache cependant une maladie qui l’oblige à être, la plupart du temps, sous la surveillance d’une tierce personne pour sa sécurité.
En parallèle de cette absence de ressenti de la douleur physique, elle présente également une quasi-absence de douleur mentale. Jo cameron confie qu’elle se sent raisonnablement impacté psychologiquement quand un de ses proches décède ou quand elle est confrontée à une situation devant provoquer chez elle de l’anxiété, de la colère ou de l’énervement.
Sur un questionnaire portant sur les troubles anxieux, Jo Cameron n’a obtenu aucun point sur les 21 points potentiels.
« Je rends les gens fous en étant joyeuse ! » a-t-elle déclaré.
L’implication des récepteurs aux cannabinoïdes
Pour les scientifiques, cette diminution de l’anxiété est retrouvée chez certains patients souffrant d’analgésie congénitale, car ils ont une activité accrue au niveau des récepteurs aux cannabinoïdes CB1 présents sur la membrane des cellules nerveuses.
Ils sont connus pour aider l’organisme à faire face aux situations stressantes en captant certains neurotransmetteurs (endocannabinoïdes). Leur nom s’explique par le fait que ce sont ces mêmes récepteurs cellulaires qui sont activés par le tétrahydrocannabinol (THC), le principe actif du cannabis.
À savoir ! Les récepteurs CB1 ont été découvert en 1990 à partir du cerveau de rat. Ils sont exprimés majoritairement sur les cellules nerveuses du système nerveux central et périphérique. On les retrouve au niveau d’autres organes (testicules, utérus, vessie, oeil, intestin) mais en quantité moindre. Ils sont stimulés par les endocannabinoïdes (molécules produites par le corps).
Le blocage expérimental de ces récepteurs aux cannabinoïdes entraîne une augmentation de l’anxiété tandis que leur stimulation va la faire retomber.
Naomi Eisenberger, professeure de psychologie à l’université de Californie à Los Angeles, précise avoir constaté que « les personnes plus sensibles à la douleur physique sont plus contrariées par le rejet « .
De plus, certaines études montrent que plus l’individu est insensible à la douleur physique, moins il ressentira d’anxiété. L’inverse est également vrai puisque des études montrent que les patients avec des hauts niveaux d’anxiété ont tendance à être plus sensibles à la douleur.
La relation entre douleur physique et douleur morale peut se révéler être un cercle vicieux. La douleur chronique, si elle dure trop longtemps peut devenir une véritable maladie et et engendrer une anxiété quotidienne. Cette anxiété aura pour effet d’exacerber l’intensité du ressenti de la douleur.
Ce lien entre douleur mentale et physique est d’ailleurs la base de la sophrologie. En effet, cette approche non médicamenteuse, basée sur la la relaxation, permet d’apaiser certaines douleurs chroniques, comme la fibromyalgie, les acouphènes ou les migraines, en apprenant à mieux gérer ses émotions.
Julie P., Journaliste scientifique