Nos pensées anxieuses ont-elles une origine biologique ? Selon une nouvelle étude américaine, une partie spécifique de notre cerveau deviendrait active lorsque ces pensées traversent notre esprit. Ces résultats, bien que préliminaires, pourraient ouvrir la voie à de nouveaux traitements plus ciblés contre l’anxiété.
L’anxiété : ces pensées négatives créées par l’incertitude
L’anxiété, ce sont ces pensées négatives et craintives qui traversent notre esprit lorsqu’un futur évènement aux conséquences incertaines se présente à nous. Cela peut être l’examen que l’on se voit déjà rater ou les vacances que l’on n’a pas encore organisées. C’est cette anxiété périodique qui nous motive à réviser nos cours ou réserver notre chambre d’hôtel.
Malheureusement, pour certaines personnes, ces pensées, et les symptômes émotionnels et physiques qui les accompagnent, peuvent prendre le contrôle de l’esprit sans qu’aucun évènement particulier n’en soit la cause. L’anxiété devient alors générale, constante et perturbe le bon fonctionnement du quotidien. Nous pouvons alors parler de troubles anxieux.
A savoir ! La tranche d’âge la plus touchée par les troubles anxieux est représentée par les adultes de 25 à 44 ans, c’est-à-dire une grande partie de la population active.
Mais que se passe-t-il dans notre cerveau lorsque toutes ces pensées anxieuses traversent notre esprit ? Que font nos neurones, les cellules de notre cerveau, face à un futur incertain ?
Ce sont toutes ces questions que le chercheur Dr Monosov a tenté d’élucider.
A savoir ! Les neurones sont les principales cellules de notre cerveau – la tour de contrôle de notre corps. Les neurones communiquent entre eux pour générer et contrôler nos actions, nos émotions et nos pensées.
Les neurones de l’incertitude
Dans son étude, le chercheur américain, Dr Monosov du Département de Neurosciences à l’Université de Washington, a reproduit cette « incertitude » (cause principale de nos pensées anxieuses), via des manipulations comportementales chez des macaques rhésus. Il a ainsi découvert qu’une population spécifique de neurones devenait active en même temps que ces pensées.
A savoir ! Les macaques rhésus sont des primates dont la structure cérébrale est proche de la nôtre. Ils sont souvent utilisés dans la recherche scientifique comportementale.
Concrètement, le chercheur a appris aux macaques à associer trois formes géométriques avec trois conséquences différentes :
- La première forme était suivie, une fois sur deux, par une projection d’air désagréable dans l’œil.
- La deuxième était toujours suivie par une projection d’air désagréable dans l’œil.
- La troisième annonçait l’absence de cette projection.
Le chercheur a alors découvert qu’une population spécifique de neurones dans le cortex cingulaire antérieur des macaques devenait active seulement lorsque la première forme leur était présentée. Pour les deux autres formes, les neurones restaient silencieux. Les neurones répondaient donc seulement si l’évènement était désagréable et incertain, signe de l’anxiété.
A savoir ! Le cortex cingulaire antérieur est une région du cerveau déjà connue pour son rôle dans de nombreux troubles tels que l’anxiété, le trouble obsessionnel compulsif, le trouble déficitaire de l’attention ou encore la dépression.
Bien que cette région du cerveau ait déjà été associée à l’incertitude et l’anxiété, cette étude permet surtout de mettre le doigt sur un groupe de cellules spécifiques qui sont activées par des situations déclenchant l’incertitude – un facteur important de l’anxiété.
La possibilité d’un nouveau traitement ?
Les traitements couramment utilisés aujourd’hui dans l’anxiété sont des antidépresseurs et des benzodiazépines anxiolytiques. Ceux-ci se basent sur l’idée qu’une mauvaise régulation des neurotransmetteurs de notre cerveau nous prédispose à l’anxiété. Ces traitements, ayant alors pour cible ces neurotransmetteurs, s’accompagnent souvent de nombreux effets secondaires ainsi qu’un réel risque de dépendance.
A savoir ! Les neurotransmetteurs sont des substances chimiques produites par les neurones, leur permettant de communiquer entre eux.
Dans cette étude, ce sont les neurones eux-mêmes qui sont mis en avant comme cible potentielle. En effet, en les désactivant, il sera peut-être possible de réduire ou de mieux contrôler nos pensées négatives.
Pour l’instant, l’étude se limite à deux macaques rhésus pour lesquels la pensée anxieuse est modélisée. Les résultats restent donc très préliminaires.
Des études chez l’Homme sont nécessaires pour pouvoir confirmer ces résultats et réellement considérer cette population comme une cible potentielle à étudier dans l’anxiété. Tout cela reste donc, à ce jour, très incertain…
Olivia M., Biologiste spécialisée en Neurosciences
– Dossier : Anxiété. VIDAL. – Consulté le 14 août 2017.